Rue Pierre-FATIO
Membre d'une famille bourgeois, docteur en droit et avocat, Pierre Fatio (1662-1707) se posa très vite en défenseur du peuple, en redresseur de torts et en adversaire opiniâtre du régime oligarchique qui régnait à Genève au XVIIe et au début du XVIIIe siècle.
En 1707, Genève était gouvernée par la noblesse; ses Conseils ne représentaient pas, comme aujourd'hui, tous les citoyens. Le règne de la démocratie n'existait pas et le peuple soupirait après plus d'indépendance. La Bourgeoisie manifesta ses aspirations en adressant une requête au Conseil pour changer le mode des élections; elle voulait introduire un système moins exclusifs, par lequel elle pourrait être représentée dans le gouvernement. En un mot, elle cherchait à introduire une sorte de suffrage universel, tel que nous l'avons aujourd'hui. Cette demande rencontra une vive opposition et fut peu après repoussée. La bourgeoisie décidée à revendiquer ses droits, forma un parti à la tête duquel elle demanda à Pierre Fatio de se placer.
Pierre Fatio était un jeune avocat plein de talent, de feu, de zèle. Il consentit à se charger de cette mission, dont il entrevoyait toute la délicatesse et les dangers pour lui. Il le prit tellement à coeur qu'il devint un martyr pour la cause de la liberté du peuple. Son histoire est aussi touchante que tragique.
Le parti qui gouvernait alors, n'entendait pas que la bourgeoisie intervint dans ses lois et ses décisions. Aussi quand on vit un citoyen comme Pierre Fatio se lever dans le Conseil et prendre la parole au nom du peuple, on le considéra tout d'abord comme un insensé. Après avoir entendu son plaidoyer aussi logique que réfléchi, non seulement on ne voulut pas faire droit à ses demandes, mais on lui enjoignit de tâcher de calmer les esprits du peuple et de faire cesser ce mouvement insurrectionnel. Cet échec ne déconcerta pas le jeune avocat, au contraire. Il avait sa conscience pour lui et sa cause à gagner.
Le parti bourgeois commença à s'échauffer en face de l'opposition qu'on faisait à ses réclamations. Plusieurs assemblées eurent lieu et pendant quelques semaines la ville fut complètement en effervescence. Les confédérés de Berne s'en émurent et arrivèrent pour rétablir la paix. Les citoyens étaient très reconnaissants néanmoins de ce que Pierre Fatio faisait pour eux et l'assurèrent qu'ils se souviendraient toujours de lui. Mais il répondit ces paroles presque prophétiques : "Dieu le veuille que je ne sois pas un jour la victime". Il se montra toujours respectueux des pouvoirs des puissants seigneurs, les Syndics de Genève. Sans rien céder de son système libéral, il se montrait très docile en apparence à leurs autorités. Du conseil où il siégeait avec eux, il se rendit aux assemblées de la bourgeoisie. Il cherchait à concilier tous les partis, à ménager, comme on le dit vulgairement, la chèvre et le chou, pour arriver à ses fins, c'est-à-dire maintenir et faire respecter les droits du peuple, d'après les anciens édits. Il ne voulait rien brusquer et bien qu'il agit franchement avec chacun, puisqu'il ne cachait pas son jeu, il mécontenta tout le monde.
Le parti de la bourgeoisie trouvait que Pierre Fatio ne faisait pas marcher sa cause assez vite, et les Seigneurs du Conseil l'accusaient d'être un traître à la patrie, parce qu'il fraternisait avec les rebelles.
Pendant ce temps, les secours de Berne avaient été renforcés, on craignait un soulèvement général. On prit alors peur pour Pierre Fatio, on le supplia de s'éloigner de Genève, en lui disant que sa maison était espionnée. La conscience pure, sachant qu'il n'avait rien fait, rien voulu de déloyal, Fatio refusa de s'éloigner. Quand un jour, se trouvant au coin de la Fusterie, il fut arrêté, conduit à l'Hôtel de ville et de là en prison.
Le pauvre Pierre Fatio, voyant que toute requête de sa part étaient inutile, se résigna chrétiennement à son sort. Il se bornait à dire et à répondre : "J'ai agi selon ma conscience et pour la bien de ma patrie". Bientôt il apprend que son ami Lemaître, condamné à mort, a été décapité. Cette nouvelle lui fait pressentir que son heure n'est pas loin. En effet, deux jours après, le Conseil des Deux-Cents prononça son arrêt de mort, et en considération de sa famille et des troubles qui auraient pu en résulter, il fut fusillé dans la cour intérieure de la prison, le 6 septembre 1707.
Quai Gustave-ADOR / Rond-Point de Rive
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